Théorie sociale cognitive : la force de la pensée ?

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Pourquoi l’homme est-il au centre de son propre monde, comment engendre-t-il sa propre vie ?

Entre stimulus et réponse

L’avènement des théories cognitives dans les années 1960 délaisse le champ de la motivation pour s’intéresser au domaine des croyances et des perceptions en parallèle des attentes et attributions. En 1954, Rotter soulève l’idée que le potentiel comportemental est tributaire de l’association des attentes liées aux résultats, entrainant la croyance selon laquelle un comportement amènera ou pas, un résultat escompté.

La théorie sociale cognitive est le résultat final d’un lourd débat épistémologique au regard duquel les limites du béhaviorisme donnèrent naissance à la théorie de l’apprentissage social (1963) dont l’apport conceptuel principal est de soulever l’existence d’un régulateur dans la relation stimulus / réponse. C’est la cognition de l’individu qui incarnerait ce rôle régulateur de la réponse comportementale à un stimulus. La théorie de l’apprentissage social donne une place primordiale à l’observation d’autrui que l’on retrouvera moins prépondérante dans la théorie de l’auto efficacité, dans laquelle elle constituera l’une des quatre sources du sentiment d’efficacité personnelle (avec la maitrise personnelle, la persuasion par autrui et l’état physique et émotionnel).

Je pense donc j’agis

Dans la théorie sociale cognitive (Bandura, 1986), la force de la pensée est une notion primordiale dans la construction des réalités de l’individu. C’est dans sa confrontation avec l’environnement que les processus cognitifs orienteront l’individu en triant les informations et en sélectionnant les comportements appropriés à ses attentes. La théorie sociale cognitive soulève plusieurs concepts parmi lesquels le déterminisme réciproque qui met en relation les trois facteurs impliqués dans le sentiment d’efficacité personnelle, pour rappel, les ressources individuelles, le comportement et l’environnement. Le terme « déterminisme » est très prégnant dans le sens où il désigne l’existence d’une relation de cause à effet entre les phénomènes physiques, les actes humains, etc. Cela se traduit ici par l’idée que chacun des trois paramètres de la triade de Bandura vont agir jusqu’à provoquer de réels effets entre eux. Ainsi, nous pouvons concevoir le déterminisme réciproque comme une inter-régulation dont la qualité de l’action de l’individu en sera la résultante.

Néanmoins, il est à noter, tel que le précisent François et Botteman, que chacun des trois éléments peuvent avoir une force différente selon le contexte dans lequel ils interviendront. Il est même possible qu’ils ne soient pas tous les trois sollicités.

L’agentivité, une perspective humaniste

Bandura met l’accent sur ce qu’il nomme l’agentivité, notion qui consiste en l’idée que l’individu engendre sa propre vie. Il convient d’expliquer ce postulat. Nous pouvons trouver de nombreuses interprétations de l’agentivité telles que « la puissance personnelle d’agir » (Ricoeur), « la capacité d’intervention sur les autres et le monde » (Nagels) ou « le pouvoir personnel et collectif d’agir » (Nagels). Bandura quant à lui propose « le fait d’exercer une influence personnelle sur son propre fonctionnement et sur son environnement ». Au final, l’agentivité poursuit l’axe conducteur d’interaction de la théorie sociale cognitive, dans le cadre d’un schéma passif / actif où il est très important de souligner la singularité de cette passivité qui n’en est pas une dans le sens où l’individu est non seulement le récepteur des mécanismes orchestrés par l’environnement, par ce qui vient de l’extérieur ; mais il reste actif dans cette réception par les outils comportementaux, les systèmes sensoriels et cérébraux qu’il utilise pour agir, choisir un comportement, et par conséquent, participer de sa propre influence. La conception est humaniste parce qu’elle signifie que c’est bien l’individu qui oriente sa vie, même jusqu’à dévier les directions qu’il subit en tant que récepteur. On peut ici réitérer le caractère singulier du sentiment d’efficacité personnelle car il est aisé de concevoir que les mêmes facteurs ne seront pas réorientés ou interprétés de la même manière selon l’individu récepteur. Si nous poussons plus loin la réflexion, non pourrions émettre l’image selon laquelle chaque individu est l’hôte d’un monde unique, car les facteurs externes sont considérés sous l’angle de la subjectivité. Dans le modèle de causalité triadique, nous sommes à la fois les producteurs et les produits de nos conditions d’existence, à l’opposé d’une conception mécaniste de l’Homme mais bien dans une dynamique identitaire et comportementale toujours en mouvement. 

Ce que nous retiendrons

  • La théorie sociale cognitive met l’individu au centre de sa propre réalité.
  • L’Homme ne fonctionne pas par réponses automatiques à des stimuli, mais exerce une auto-influence qui lui permet de façonner sa réalité.
  • L’Homme n’est pas un récepteur passif des entrées de son environnement, mais le principal acteur de sa réalité.

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Arnaud Knobloch
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