Pourquoi deux individus d’égale compétence, ne produisent-ils pas la même performance au regard d’une même activité ? Comment le sentiment d’efficacité personnelle agit-il sur nos performances ?
Le postulat de base
« La motivation d’une personne, ses états émotifs et ses actions reposent davantage sur sa représentation de soi, que sur ce qu’elle peut réellement ». Albert Bandura.
L’idée de base est que l’individu est l’agent d’un système de croyances qui concernent ses capacités au regard d’une tâche donnée. Il s’agit donc d’une perception de l’individu envers son aptitude à effectuer une certaine action. Plus précisément, ce système de croyances est traversé par trois facteurs : sa capacité à mobiliser les ressources adéquates, le bon comportement vis-à-vis de la tâche, et les aspects environnementaux.
Une perception de soi
D’après Heutte (2011), la notion de sentiment d’efficacité personnelle (ou auto efficacité) vient s’inscrire dans la sphère de la théorie sociale cognitive. Il s’agit de la croyance qu’éprouve un individu au regard de ses aptitudes face à une tâche donnée. Nous retiendrons la définition concise de Bouffard, Bouchard et Pinard (1988) qui qualifient le sentiment d’efficacité personnelle tel que : « le jugement que porte une personne sur sa capacité d’organiser et d’utiliser les différentes activités inhérentes à la réalisation d’une tâche à exécuter ». Etymologiquement, le terme « sentiment » désigne la connaissance plus ou moins claire que l’on a de soi, de la réalité de quelque chose, tandis que « l’efficacité » est relative à la qualité de notre action à produire l’effet attendu. Littéralement, le sentiment d’efficacité personnelle se traduirait ainsi par : « la connaissance plus ou moins claire que l’on a de la capacité de notre action à produire l’effet que l’on attend d’elle ». L’intérêt de cette description étymologique est qu’elle met l’accent sur deux notions essentielles que sont la capacité et l’action.
Une perspective identitaire
Les travaux d’A.M. Costalat-Founeau nous expliquent la place privilégiée de l’action dans la construction identitaire de l’individu, de par sa teinte expérientielle et son lien avec le système capacitaire, « l’Homme capable » (dixit Ricoeur) agit en accord avec ses capacités. La dynamique de l’identité s’active en représentant le projet et la motivation à le réaliser, le sentiment d’efficacité personnelle vient s’inscrire dans cette dynamique de représentations et il est important de souligner sa présence au cœur même de l’identité. Bandura considère d’ailleurs que l’image de soi a un grand rôle dans le processus d’activation de la motivation à l’égard du travail et de la vie professionnelle qui est selon lui « une source majeure de l’identité personnelle et du sens de la valeur personnelle ». La notion de capacité est à rapprocher, quant à elle, des aptitudes de l’individu, et ce rapprochement va nous permettre d’établir deux distinctions caractéristiques du sentiment d’efficacité personnelle :
Je suis nul et j’en suis fier
Premièrement, le risque d’amalgame entre sentiment capacitaire et estime de soi et à éviter, Heutte précise que le sentiment d’efficacité personnelle diffère de l’estime de soi dans le sens où il est relatif à une tâche précise, et donc à l’aptitude évaluée au regard de ladite tâche, tandis que l’estime de soi renvoie à une évaluation de la valeur globale de l’individu. Pour faire simple, un sentiment d’efficacité personnelle, même très négatif envers une tâche, n’impliquera pas nécessairement une baisse de l’estime de soi. Un individu peut se savoir incompétent dans une tâche qui n’a aucune valeur pour lui (par exemple, ne pas être doué en dessin) sans que cela n’entame aucunement son estime ; et réciproquement, le même individu peut se savoir performant dans une activité qu’il réprouve (par exemple : un excellent vendeur aux idées anti consommatrices, ou un excellent tireur anti armes à feu).
« Des » sentiments d’efficacité
Ainsi, et secondement, il s’agit de bien comprendre que traiter du sentiment d’efficacité personnelle implique une précision contextuelle à chaque occurrence, car chaque type d’action est accompagné d’un sentiment d’efficacité personnelle propre à cette action. Cette singularité permet de comprendre que le sentiment d’efficacité personnelle vient agir comme une teinte sur l’aptitude de l’individu lorsque celui-ci fait appel à la mobilisation de ses ressources, il agit comme un renforçateur ou un inhibiteur, mais il n’est pas une ressource en lui-même ; un fort sentiment capacitaire vis-à-vis de lacunes méconnues ne suffit pas à pallier le manque de ressources.
Quatre sources du sentiment d’efficacité
La maitrise personnelle constitue la principale influence, il s’agit du renforcement ou de l’inhibition du sentiment par les expériences de succès ou d’échecs.
L’apprentissage social (ou apprentissage vicariant) est la seconde source du sentiment d’efficacité personnelle. Il s’agit quelque part, d’une validation de soi par autrui. Il s’agit du principe selon lequel l’individu va considérer une idée simple qui consiste à penser que si une personne qui présente les mêmes caractéristiques que lui, réussit dans une certaine tâche, alors il n’y a aucune raison que lui-même n’y réussisse pas (et réciproquement, si cet autrui qu’il observe échoue)
La persuasion par autrui peut être considérée comme une notion de soutien social. Il est plus aisé de maintenir un bon sentiment capacitaire dans la difficulté lorsqu’autrui nous encourage et nous témoigne de la confiance.
Enfin l’état physique et émotionnel, car l’individu évalue en partie ses capacités sur les messages transmis par son corps et son esprit, dans le sens où il va être influencé par son état physique ou affectif. Cette évaluation est importante, surtout au regard des actions concernant la santé, les aptitudes physiques ou le stress.
Ce que nous retiendrons
- Le sentiment d’efficacité personnelle évolue dans une dynamique d’interaction entre les ressources de l’individu, l’adoption de ses comportements et les entrées de l’environnement.
- Le sentiment d’efficacité personnelle accentue ou diminue la portée de l’action, l’exécution d’une tâche de travail.
- Enfin, ne perdons pas de vue que l’aspect motivationnel du sentiment d’efficacité personnelle du fait que les individus qui cherchent à éviter les activités menaçantes, au profit des activités qu’ils pensent être certains de réussir.