Enjeux et difficultés des transitions de carrières

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A l’heure où les entreprises licencient et s’exportent à l’étranger, un véritable problème se pose : le chômage est à notre porte.

Il devient donc délicat de pouvoir garantir à tous un emploi y compris aux personnes qui ont évolué toute une vie au sein d’une même entreprise. Outre le fait que les jeunes aient  du mal à trouver un emploi prometteur et stable, les seniors eux aussi souffrent, bien plus, d’une non activité salariale.

Les méthodes pour remplacer les seniors par du « sang neuf » se multiplient, et la tranche d’âge du nombre de chômeurs augmente sensiblement. Paradoxalement, alors qu’on réussi à faire tendre à la baisse la courbe du chômage pour les moins de 25 ans, celle des plus de 50 ans ne cesse d’augmenter depuis des années. On aurait pu penser que l’expérience jouerait dans la balance, mais apparemment non.

Les gouvernements successifs ont pourtant tenté par des moyens, notamment le plan d’action senior du gouvernement de N. Sarkozy, de faire pencher la balance en fonction des seniors et de leur expérience. C’est aujourd’hui au tour de celui de F. Hollande de trouver une mesure contre l’augmentation du chômage chez les seniors sans léser pour autant les jeunes diplômés. C’est ainsi qu’est né le contrat de génération, offrant des avantages aux entreprises qui embauchent des jeunes diplômés et gardent les seniors pour les former.

Mais ce n’est pour le moment pas assez.

Et si la difficulté de trouver du travail pour les seniors augmente, il est évident que leurs capacités de travailler et leur « identité professionnelle » en prennent un sacré choc.

L’identité investie au travail

Ce sont Sainsaulieu et Dubar qui explicitent le mieux les mécanismes de développement identitaire au travail.

Il faut tout d’abord considérer que l’employé est acteur, qu’il aura la possibilité de faire des expériences dans le monde du travail, comme dans tous les groupes sociaux et personnels de sa vie privée.

On pourra également observer une similitude de certains mécanismes fondamentaux de construction identitaire dans la vie privée et professionnelle de l’employé. Par exemple, l’effet P.I.P (Primus Inter Pares = Le Premier des Pairs).

L’effet P.I.P. est constitué de deux phases distinctes :

  1. L’employé va tout d’abord développer le désir de se conformiser, de s’identifier pleinement à l’organisation dans laquelle il va travailler.
  2. Puis il éprouvera par la suite le besoin de se différencier des ses collègues, pairs, au sein de ce groupe social.

Ce mécanisme tend à être pleinement accepté au sein d’un groupe (ici l’entreprise) et de s’y développer jusqu’à pouvoir être dissocier de la « masse salariale » stéréotypiquement vue.

Une grande énergie et une grande partie de l’identité du sujet s’effectue donc par le professionnel. Le professionnel est un complémentaire, un moyen d’accès à l’identité personnelle en somme. Il devient alors difficile d’imaginer séparer un employé d’une cinquantaine d’année d’une entreprise qui l’a « forgé » personnellement et à travers laquelle il est devenue l’homme qu’il est.

Les Psychologue du travail au service de l’entreprise et de l’employé

C’est avec cette notion de senior et des difficulté d’orientation, de réorientation, que s’est développée la psychologie des transitions.

La psychologie des transitions professionnelles regroupe 2 idées principales : 

  • L’employé vit une forme de rupture avec sa vie professionnelle qu’il vivait jusqu’à présent.
  • L’employé reste en constant « changement » et tente de s’adapter à de nouvelles conditions.

Nous allons d’abord définir ce qu’est la psychologie des transitions et montrer un aspect concret qu’elle offre à l’appréhension d’une « carrière senior ».

Le processus de transition professionnelle

Ce processus de transition est très complexe car en plus de toucher la sphère professionnelle de l’individu, il y a une répercussion, souvent très dure, sur la sphère privée de celui-ci. S’ensuit alors une perturbation identitaire de l’individu, une perte de repère, de compétences et de capacités liées à ceux-ci. Voici comment T. Zittoun et A.-N. Perret-Clermont se proposent de définir par des éléments clés, ce a quoi se rapporte une période de transition : 

  1. L’acquisition de nouvelles compétences, de modes de raisonnements, de connaissances et savoir-faires.
  2. L’acquisition de nouvelles compétences sociales : nouvel environnement, nouveaux groupes, etc. 
  3. Remaniements identitaires : négociations de rôles et de statuts au sein de l’entreprise, et dans les groupes sociaux personnels. Il peut également y avoir une modification de l’estime de soi, et de l’image renvoyée par les autres personnes faisant partie des groupes, ou non.
  4. Une sorte de nouvelle création identitaire qui ne permettrait pas d’être reliée entièrement à celle existante. Comme une rupture spontanée de la continuité de l’identité personnelle, et de sa définition pour l’employé.

L’acquisition de nouvelles compétences, repères, est parfois difficile à gérer pour les personnes et leur entourage (créant aussi des déséquilibres identitaires auprès des proches). De plus, n’oublions pas qu’il est souvent possible qu’un changement de repères géographique intervienne en même temps que les autres changements professionnels, identitaires. L’accompagnement des employés devient alors non plus un luxe, mais une nécessité.

Il est aussi évident que plus les personnes se seront impliquées et accomplies au sein d’un poste, d’une entreprise, et plus il deviendra difficile pour elles de changer, d’évoluer dans un sens qui ne leur correspond plus et qui serait trop éloigné du monde identitaire dans lequel elles vivent.

Pour ce faire, des entreprises effectuent des entretiens de deuxième partie de carrière.

L’entretien de deuxième partie de carrière

La solution qui est apparue comme la meilleure est de proposer un entretien privilégié entre l’employé et un responsable représentant l’entreprise.

Cet entretien de deuxième partie de carrière n’est pas une obligation. Il peut être demandé a la fois par le salarié ou l’entreprise. L’employé doit toute fois avoir au minimum deux ans d’ancienneté dans son entreprise et être âgé de plus de 45 ans. L’entretien aura pour but de faire le point sur la situation du salarié, ses compétences et formations acquises mais également sur ses rapports au travail, les rapports qu’il entretien avec ses collègues et supérieurs et les motivations qui le poussent à continuer dans son métier. Cet entretien va permettre pour le responsable de connaître précisément la situation de son employé. A travers une série de questions sous la forme d’un entretien semi-directif, le sujet garde la possibilité de s’exprimer sur ses faiblesses, capacités et leviers de motivations. Le responsable et l’employé peuvent alors se mettre d’accord sur des formations complémentaires, un changement de poste, ou de manière plus vaste un changement d’organisme en passant par des bilans de compétences.

Dans le cas ou la personne reste dans la même entreprise cet entretien peut se réactualiser tout les 5 ans, et permet à l’employé et au responsable de connaître les plans de carrières envisagés.

Pour l’entreprise il s’agit aussi d’une chance puisqu’une personne motivée est une personne qui travaille mieux. Les entreprises offrent alors la possibilité aux seniors de continuer à élargir leurs domaines de compétences, et répondent à leurs attentes ce qui aura pour effet une fidélisation et une identification de plus en plus forte,aux valeurs de l’entreprise en question.

C’est en somme un très bon moyen pour exploiter les talents tout en s’assurant de la pleine disponibilité des capacités.

Parce qu’après tout, ne serais-ce pas totalement idiot de jeter de l’expérience par les fenêtres à l’heure où le rendement est à l’ordre du jour ?

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Arnaud Knobloch
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