Interview Alain Cardon

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Alain Cardon
Alain Cardon
Maître coach certifié de l’International Coach Federation, Coach exécutif systémique, coach déquipe et coach d’organisations.


La qualité audio et vidéo est médiocre. C’est pourquoi nous vous invitons à lire le résumé ou la retranscription intégrale ci-dessous


Résumé de l’interview

A travers un jeu de question réponse, Mr Alain Cardon et Mr Jean-François Guerrero vous parlent de la Culture d’Entreprise :

  • Chaque entreprise à ses valeurs et sa culture donc on va plutôt parler de valeurs communes et d’une culture active.
  • La diversité est naturelle au vu du nombre de personne travaillant mais les valeurs en commun vont être primordiales.
  • Pour faire coach en entreprise, le profil le plus adéquat est ethnologue car celui-ci va regarder et accompagner l’entreprise alors que d’autres profils par exemple commerciaux vont changer l’entreprise.
  • Preuve que tout dans l’entreprise devient de plus en plus informel : Paradoxe entre ce que l’on dit de faire et ce qu’ils doivent faire.
  • On ne peut pas parler d’évolution de la culture car il s’agit de l’évolution culturelle dans le monde entier.
  • Pour pouvoir créer un cadre de référence commun, le dialogue est la clé. Ce cadre permettra de développer une vision du monde référent commun et donc de créer une dynamique dans l’entreprise. De plus en plus d’entreprises tendent vers cette « culture de dialogue ».
  • Un coach travaille en équipe avec l’entreprise qui le choisi et tout le monde évolue.

 

Retranscription de l’interview

Bonjour Mr Cardon ! Nous allons aborder aujourd’hui les sujets de la culture d’entreprise et nous allons passer par les valeurs. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu’est pour vous et comment vous définissez les valeurs des employés constituant une entreprise ?

C’est un vaste sujet, c’est à dire que personnellement, si on prend la dimension culturelle, j’ai une formation d’ethnologue à l’origine, donc chaque entreprise à ses valeurs et sa culture, on ne va pas parler de valeur d’entreprise ou de valeur des salariés mais dire ce qui est intéressant qu’il y ait un système de valeurs qui soit actif, qui se voit dans les comportements, il y ait une culture et en général. Certains salariés ont leur culture donc on va plutôt parler des valeurs communes et de la culture active, mais il n’y a pas de valeurs qui ciblent les entreprises, tout comme il n’y a pas de valeurs qui ciblent les organisations, là on va rentrer dans des actions plus logiques. C’est plutôt intéressant de regarder les entreprises comme des systèmes, afin de les étudier, les accompagner et de voir ce qu’ils en font.

Est-ce que vous pensez que dans cette entreprise, les employés doivent avoir un minimum de valeurs en commun avec les dirigeants de l’entreprise et la culture globalement ou n’est-ce  pas la diversité des valeurs qui va permettre à l’entreprise et aux employés d’évoluer vers un but qu’ils souhaitent atteindre ?

La diversité, parce que tout le monde est un peu différent. Mais dans la diversité on va parler de valeurs individuelles ou de valeurs d’équipe ou de déontologie de métier. Il peut y avoir plusieurs métiers, donc tout dépend de l’endroit auquel on parle mais concrètement les valeurs de l’entreprise il s’agit des valeurs d’un ensemble de système. Souvent on parle de diversité d’entreprise où d’un certain nombre de personnes. Si on parle de valeur d’entreprise certes c’est intéressant que tout le monde soit relativement lié sur un certain nombre de valeurs et on peut même partir du principe qu’ils le sont. Ces valeurs sont parfois décrétées mais ce qui est fait n’a rien à voir avec ce qui est dit. Par exemple, on peut voir une entreprise qui va annoncer des valeurs au niveau verbal mais chacun sait ou ne sait pas donc c’est un système qui correspond à cette culture. Il y a des choses que l’on annonce et qu’on ne fait pas. Quand on va parler de valeur ou de culture dans un système on va bien faire la différence entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et bien souvent d’ailleurs ce qu’on va constater c’est que entre ce qui est dit et ce qui est fait, il y a une grande différence parce que si ce qui est fait, tout le monde le fait mais après on en parle plus. Si ce n’est pas fait il faut tenir un discours dessus parce que justement, ce n’est pas fait.

Par exemple, pour être plus précis, dans certaines entreprises on va entendre des discours sur la délégation donc on pourrait dire que si on écoute ces discours c’est une valeur importante de déléguer, d’un autre coté on pourrait dire que s’ils déléguaient vraiment, ça ne serait pas la peine d’en parler parce que tout le monde le sait et le fait donc pourquoi en parler.

Donc au niveau de l’accompagnement du système on n’est pas dans le discours sur les choses, on va observer le système, et ce qui est réellement actif et travailler à partir de ce qu’ils font parce que c’est ce qu’ils font qui va amener des résultats et pas ce qu’ils disent.

Sur certaines entreprises, on va voir que sur les murs, partout sont affichés les règles du jeu, le règlement intérieur. Plus le règlement intérieur est affiché, plus on peut se dire qu’ils cherchent à mettre en place quelque chose qu’ils ne font pas. Si un règlement intérieur est vraiment appliqué, tout le monde le connaît donc ce n’est pas la peine de l’afficher. On a quelque chose de paradoxal quand on écoute beaucoup d’entreprises parler de qui ils sont, de ce qu’ils font, de leurs systèmes de valeurs, en gros c’est un numéro de mouvante que à l’intérieur beaucoup disent « ok ça va, on sait que ce n’est pas ce qu’on fait ».

Et concernant la culture d’entreprise, est-ce que c’est un sujet qui vous touche personnellement, auquel vous vous intéressez ?

Alors oui, j’ai une formation d’ethnologue mais c’est il y a bien longtemps. Un ethnologue qui arrive dans un système nucléique, n’a pas pour vocation de dire à la tribu comment faire, il a pour vocation de respecter sa cohérence, sa façon de faire, sa structure. Il va regarder et éventuellement l’accompagner dans sa cohérence mais ne vas pas dire « Ah je vais tout te changer, vous n’êtes pas bon ».

La posture de coach n’est pas une posture d’expert ou on vient avec des solutions : Si on arrive dans une tribu, et ils allument du feu en frottant du bois on ne va pas vendre des briquets.

Un expert va venir en disant que c’est archaïque, et va vendre le briquet.

Un ethnologue va venir et voir comment tout s’inscrit dans quelque chose et il va accompagner le système dans sa propre cohérence et pas chercher forcement à le changer selon des critères qui n’appartiennent pas à la culture.

Donc la première question quand on arrive dans une tribu en tant que coach : « Si vous évoluez dans un sens ou dans un autre, vous avez besoin de faire quoi ? Vous voulez aller vers quoi ? ». Et on va l’accompagner dans sa cohérence par rapport à sa culture. On va respecter la culture, respecter la vision du système, la mission qu’il se donne. On parle de la vision et la mission réelle, ce n’est pas forcément le discours qu’ils tiennent sur la mission. On pourrait dire que tout ce qui est affiché sur les murs c’est ce qu’ils ne font pas.

Tout ce qui est officiel, lors des grands discours et grandes messes tout le monde sait que c’est ce qu’ils voudraient devenir, ou même que la direction voudrait que tout ça devienne mais en fait, le vrai discours est dans la forme : « On va vous dire et faut faire ce qu’on vous dit. » Et souvent c’est paradoxal.

On peut avoir une salle pleine de cadres qui sont convoqués et à qui on va dire qu’il faut déléguer mais la forme c’est qu’ils sont convoqués, qu’il faut qu’ils soient la, qu’ils écoutent et appliquent donc c’est une culture directive, le message est descendant et c’est complètement paradoxal avec le contenu du message qui est « On délègue ».

Mais certaines entreprises ont dit à des cadres qu’ils ont besoin de développer l’autonomie sinon ils ne vont pas durer longtemps, autrement dit « Si vous ne faites pas ce que je vous dit, vous êtes virés, et ce que je vous dis de faire c’est d’être autonome ». La question quand on aborde ces systèmes la, c’est quel est la congruence, cohérence entre le discours qu’ils tiennent et ce qu’ils font réellement.

Quand on parle d’évolution d’entreprise, vous diriez que la culture on la fait évoluer ou elle évolue naturellement ? Et si on la fait évoluer ou si elle évolue naturellement, est-ce que c’est possible qu’a un moment donné, de choisir réellement l’orientation qu’elle va pouvoir prendre précisément ?

Ça dépend de tout, quand vous dites « on peut la faire évoluer », est ce que vous parler de la direction qui va décider de la faire évoluer dans un certain sens et pas un autre ? Et la on a toute de suite pu voir que cette imposition venant du haut peut être plus ou moins bien reçu par le bas et la vraie culture est une culture de polarité entre la direction qui veut avoir le pouvoir et détenir les choses et la base qui va dire « bon, on a déjà entendu ce discours, on a d’autres chose à faire, tout ça c’est bien beau, ils nous font un numéro de vente… ». Qu’est ce que vous appelez, « faire évoluer une culture » ?

Moi je pensais plus à faire évoluer la culture vis-à-vis de la direction qui va vouloir orienter la culture dans laquelle les employés vont évoluer au quotidien.

Alors ce n’est pas une évolution parce que la direction qui veut faire ça est une direction qui veut imposer des choses, qui continu à imposer. Donc c’est un renforcement de la culture existante mais pas une nouvelle culture.

De toute manière on va regarder les processus, parce que si tout ça c’est pondu dans un comité de direction restreint et ils pensent qu’ils vont imposer ça et que tout le monde va suivre comme un seul homme, c’est assez féodal comme approche. C’est pas forcément une évolution.

Alors si vous prenez l’évolution culturelle dans le monde entier, elle crève les yeux, avec les systèmes d’informations ou tout le monde en sait plus qu’avant, il n’y a plus de contrôle d’information, les gens ont beaucoup plus de libertés, ils s’informent. Google, tous les réseaux sociaux finissent par déborder complètement la direction et ce qui peut se passer dans beaucoup d’organisation aujourd’hui c’est un genre de débordement. Parce que le coté descendant « je sais ce qui est bon, je vais vous le dire et il faut le faire » marche de moins en moins dans le monde entier. Un des problèmes majeurs des organisations est qu’ils sont encore dans un mode archaïque, une culture archaïque par rapport au monde post-révolution d’information, donc toutes les personnes qui ont 35ans ou moins sont nés dans des systèmes réseaux et sont dans une grande liberté et toutes les personnes qui sont au-dessus des niveaux de directions, de 45 ans et plus sont dans un monde dépassé. Il y a un problème culturel qui se pose aujourd’hui entre des générations internet et des générations qui ont le contrôle et ne veulent pas le lâcher, en gros on se retrouve au Caire ou en Syrie … Ça c’est le grand changement culturel qui est en train de se passer. Si la direction pense qu’il va définir ce que tout le monde va faire, que tout le monde va se lever d’un seul homme, ils sont une cinquantaine d’année en retard par rapport à la réalité d’aujourd’hui.

Du coup, ce serait plutôt une évolution des employés au niveau de la culture ?

C’est une évolution de l’ensemble du système, c’est-à-dire qu’il y a besoin d’avoir un dialogue qui permet de faire émerger un sens collectif mais c’est pas un dialogue à sens unique qui vient de la direction et qui descend vers les employés, ça a besoin d’être quelque chose qui est concoctée dans l’ensemble et qui a une cohérence dans l’ensemble.

Autrement dit, par exemple en Égypte, « les frères musulmans » au lieu d’essayer d’imposer leurs visions du monde commençaient à dire que la culture Égyptienne est une culture multiple et il faut du dialogue pour avancer ensemble, cette même direction pourrait avoir beaucoup plus de légitimité. Aujourd’hui ils se disent « on a le pouvoir, on va imposer notre point de vue », ben ça va sauter : La même chose se passe dans les entreprises.

Vous disiez que ce qui allait être intéressant dans une entreprise c’était les dialogues et l’échange au niveau des valeurs, donc est-ce que vous pensez que ce qui construit une culture d’entreprise est l’échange, la somme de ces échanges ou est-ce ce que ça ne se résume pas qu’à ça ?

Le dialogue est très important pour la création d’un cadre de référence commun, mais ce cadre permet de construire une vision du monde référent commun. Les choses se passent dans le dialogue. Il serait intéressant de faire la différence entre un dialogue et une discussion : Une discussion étymologiquement est composée de « dis » qui signifie couper et « cussion » c’est concasser donc une discussion c’est un échange ou on en à un qui cherche à convaincre l’autre et qui gagne. Alors qu’un dialogue à plusieurs à travers le verbe « dia » et logue = logos. A travers le verbe, l’échange du verbe, on va commencer à faire une boucle de construction commune donc si on est dans un véritable dialogue, je vais dire quelque chose, vous allez le prendre et l’amenez ailleurs, et je vais le prendre et l’amener ailleurs et petit à petit on va s’ajuster dans ce dialogue et éventuellement nous dévoilerons ensemble quelque chose que ni l’un ni l’autre avons au début, ça devient une troisième position qui a été évolué à travers l’échange verbale. C’est clair que le sens du dialogue c’est ça, presque s’accorder dans le sens presque musical du terme, dans une façon de faire de la musique ensemble, s’accorder pour jouer ensemble sur une masse commune : Je vais lancer une note, vous allez ajuster, je vais m’ajuster …

Je trouve que c’est essentiel dans le processus de construction, maintenant est ce que le résultat se résume à ça, je ne sais pas. Le résultat va être suite à cet ajustement dans le dialogue, on va aussi pouvoir se séparer mais chacun va agir séparément dans cette cohérence construite, donc il y aura des actions, des résultats qui seront la résultante du dialogue. Une culture va se décliner dans des tas de dimensions différentes mais la construction d’une culture collective est par le dialogue. En tout cas, ça sera une culture différente, mais aujourd’hui on a de plus en plus vers une culture de dialogue alors qu’avant c’était plus une culture féodale, c’est-à-dire un qui a le pouvoir et l’autre qui applique ou il est mis en taule ou il est viré. C’est la carotte et le bâton, aujourd’hui il y a peu de gens qui acceptent de travailler avec la carotte et le bâton.

Finalement, est-ce que c’est pas difficile de dépasser le décalage qu’il pourrait y avoir entre votre entreprise personnelle dans laquelle vous êtes patron et l’entreprise, la culture d’entreprise dans laquelle vous allez intervenir ? Si ce n’est pas les mêmes, est-ce que ce n’est pas difficile de trouver un dialogue justement ?

Ça dépend la aussi de votre point de vue de comment le processus d’accompagnement se fait parce que la réalité pour moi est quand on a un cadre de référence en tant que coach, on va attirer les clients qui correspondent à cet ordre de référence, les clients qui sont fondamentalement différents ne vont pas venir me chercher, pas travailler avec moi, la rencontre ne va pas se faire. Il y a un phénomène de rencontre commun entretenu qui se passe entre des ensembles qui ont besoin de se compléter ensemble. Donc généralement, si une entreprise qui vient me chercher, cherche à travailler avec moi, le thème sur lequel on va travailler est un thème qui m’implique aussi et j’ai besoin de travailler sur ce thème avec cet entreprise, et on va tout les deux évoluer dans un dialogue sur ce thème. C’est pas comme si je leur donnais des solutions pour avancer, et que j’allais amener mon éclairage à moi, ce serait complètement archaïque où je partirais d’une position haute. Or c’est justement quelque chose de l’ordre du passé, l’accompagnement coaching c’est partir du principe qu’il y a autant de valeur de part et d’autre et qu’on a quelque chose à apprendre ensemble et à développer ensemble justement dans le dialogue. Le même dialogue intérieur se fait avec le coach qui accompagne et qui profite de ce dialogue et qui apprend dans ce dialogue et qui se développe dans ce dialogue, c’est une aventure collective.

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