La culture nationale frein ou tremplin pour le travail ?

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Chacun regarde le monde à travers les fenêtres d’un “chez soi” culturel ; chacun agit comme si ceux qui viennent d’autres pays avaient quelque chose de spécial (un caractère national), la norme se trouvant chez soi. Malheureusement, il n’y a pas de norme culturelle.

L’origine du concept de culture organisationnelle

Les chercheurs se sont intéressés à la réussite des entreprises japonaises et en les comparant aux entreprises françaises, ils ont mis en évidence le fait qu’au Japon les entreprises ont une culture très forte. A travers les études, on peut voir deux approches, l’une fonctionnaliste, qui postule que l’entreprise a une culture et qu’elle peut être gérée comme on gère la motivation; l’autre symbolique, qui postule que l’entreprise est une culture et que la culture n’est pas contrôlable mais qu’elle peut être ”accompagnée”.

Malgré cette dualité d’approche des scientifiques, les interventions tendent à vouloir administrer, gérer, maîtriser la culture des entreprises françaises dans l’idée de générer une réussite similaire aux entreprises japonaises. Alors que certaines grandes entreprises marquent leur réussite par une culture forte d’autres se heurtent à des difficultés, voir des échecs.
On est tenté de pointer du doigt l’instrumentalisation de ce concept dans les entreprises où la culture n’est vue que comme un moyen de faire produire davantage les individus. Cette instrumentalisation du concept a effectivement des limites puisque la culture organisationnelle n’est pas une méthode de gestion, mais le constat que les individus qui travaillent autour de valeurs communes sont plus impliqués, plus satisfaits et plus performants.

Et la culture nationale dans tout ça ?

Selon moi, un élément primordial n’a pas été pris en compte : la culture nationale ! En effet, chaque pays développe sa propre culture et par conséquent une représentation du monde, du travail plus ou moins commune est associée à chaque pays. Par exemple, il n’est pas d’usage au japon de se serrer la main ou de s’embrasser pour se saluer. En fait, les japonais pratiquent l’ojigi. L’ojigi consiste en l’inclinaison du corps face à votre interlocuteur : l’homme ayant les bras le long des jambes, la femme devant les avoirs devant elle. L’inclinaison dépend de plusieurs variables dont l’âge et la position hiérarchique de votre interlocuteur, plus sa position hiérarchique est haute par rapport à la votre, plus votre inclinaison sera basse. Cette notion de respect s’applique également aux ainés qui font figure de modèle pour les plus jeunes. Parmi les particularités japonaises, on peut également citer qu’il est mal vu de regarder quelqu’un avec insistance, de parler fort ou de montrer ses émotions de façon ostentatoire. En France en revanche, on se salue avec politesse avec un ”Bonjour Madame, Bonjour Monsieur”, on se sert la main voir on se fait la bise. Les échanges sont également codifiés, mais la notion de respect, voir de soumission est moins marquée en France par rapport au Japon. Il est vrai que le français ne se limite pas à la position hiérarchique de son interlocuteur et n’hésite pas à dire ce qu’il pense même à son chef.
Bien que non exhaustifs, ces comportements types mettent en évidence que d’un pays à l’autre, les comportements varient ce qui implique que les individus ont des attentes et des représentations différentes.

Vers une représentation du travail

D’après G.N. Fischer, ”la représentation sociale est un processus, un statut cognitif, permettant d’appréhender les aspects de la vie ordinaire par un recadrage de nos propres conduites à l’intérieur des interactions sociales”. Pour reprendre l’exemple du Japon et de la France, les codes pour se saluer ne sont pas les mêmes et sont le fruit de l’histoire du pays, de choix politique etc., et ces codes génèrent une représentation de la manière de saluer, c’est à dire que les japonais s’attendent à ce qu’on les salue d’une façon alors que les français s’attendent à ce qu’on les salue d’une autre. Allez saluer un français à la japonaise, il y a fort à parier qu’on vous regardera avec un air surpris ! 
Cette notion de représentation est applicable à tous les éléments de la vie courante et même d’autres. On a donc une représentation du travail en France qui n’est pas la même qu’aux Etats-Unis, au Japon ou en Angleterre. D’ailleurs certains pays se représentent les français comme étant râleur et paresseux, notamment parce que nous avons les 35h de travail hebdomadaire, des syndicats et le droit de grève. Grève, syndicat et revendication sont une des particularités françaises, il nous paraît tout à fait normal de faire grève pour se faire entendre en France alors qu’il est inconcevable de remettre l’autorité en question dans d’autres pays.

Le fait que les entreprises aient tendance à instrumentaliser ce concept plus qu’à le comprendre joue un rôle non négligeable. Oui on voit des entreprises prôner des valeurs de travail dans les publicités, sur leur site, lors de l’entretien d’embauche ou même directement auprès des salariés, mais combien font réellement vivre ces valeurs ? C’est pourquoi travailler sur sa culture d’entreprise commence par une ”photographie” du contexte organisationnel afin de mettre en évidence la culture que les individus se sont construites. La suite consiste à comprendre le fonctionnement de la culture d’entreprise ; c’est seulement en dernier lieu que les changements d’organisation, structurels ou autre peuvent être réalisés.

 

Je pense qu’il est important de prendre en compte la particularité de la culture nationale parce qu’elle détermine une partie de ce que représente le travail pour les individus, et cette culture diverge d’un pays à l’autre. La culture d’entreprise est un moyen d’amélioration, d’innovation de vos conditions de travail et le gain de performance est une conséquence et non un but. Et surtout, ce n’est pas tant la gestion ou l’organisation du travail qui doit changer dans un premier temps, mais la représentation que nous en avons. En voyant les choses différement, on raisonne différement et l’innovation est possible lorsqu’on est prêt à adapter nos comportements à cette nouvelle façon de voir. Maintenant, notons toutefois que les entreprises méritent d’être encouragées à prendre un tel recul sur leur activité, mais là c’est le domaine de la politique !

Que pensez vous de notre culture nationale ? Quel impact sur le travail ?

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Arnaud Knobloch
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