Suite aux nombreux commentaires sur l’article : la manipulation pour le changement , il paraît essentiel de redéfinir ce qu’on entend par théorie de l’engagement comportemental, soumission librement consentie et enfin manipulation.
La théorie de l’engagement comportemental :
Cette théorie s’appuie sur le fait que nous percevons nos actes comme dépendant uniquement de notre volonté. Ainsi on souhaite que nos comportements reflètent nos valeurs et nos croyances. Nos actes sont intériorisés et nous pensons qu’ils nous correspondent.
De fait, plus on répète un comportement, plus on perçoit qu’il correspond à nos valeurs et croyances et donc plus il nous engage.
Les chercheurs ont étudié les biais cognitifs, des petites erreurs du quotidien qui nous permettent de simplifier notre vision du monde mais qui peuvent influencer le renforcement de nos comportements. Ils identifient un certain nombre de « techniques » que l’on utilise tous pour augmenter les chances d’accéder à nos requêtes.
La soumission librement consentie :
Les chercheurs travaillant sur la soumission librement consentie cherchent à étudier dans quelles situations un individu va spontanément, de son propre chef, se mettre dans un état dit « état agentique ». C’est-à-dire qu’il se positionne volontairement mais souvent inconsciemment dans un état d’obéissance, de soumission à l’autorité. On ne peut que renvoyer à l’illustre expérience de Milgram.
La manipulation :
La définition de la manipulation est sans nul doute ce qui a fait le plus polémique suite à la publication de cet article.
« Le terme a été galvaudé et porte malheureusement une valence négative dans la pensée de sens commun, vision du “méchant manipulateur” et de l’oie blanche manipulée » Nicolas Caresmel
En effet si vous demandez à tout un chacun de définir la manipulation, vous retrouverez cette connotation négative. Dans le sens commun la manipulation est vue par le fait de vouloir nuire, abuser de la personne manipulée en lui faisant faire quelque chose sans son consentement. Pourtant une définition littérale n’est pas exactement la même et fait disparaître cette valence négative :
« La manipulation se définit comme le fait de faire faire à autrui quelque chose qu’autrui n’aurait pas fait, spontanément, de lui même. » Carole Blancot
Lorsque vous communiquez il vous arrive régulièrement de formuler une demande à votre entourage ? Vous aimeriez que cette requête soit acceptée ? Naturellement, consciemment ou inconsciemment, vous ajoutez un « petit plus » pour augmenter vos chances d’avoir la réponse positive tant espérée. Ne vous arrive t-il jamais de demander « vous allez bien ? » à votre collègue avant de faire votre demande ? Ne vous arrive t-il jamais d’insister sur le fait que le sujet de votre requête est libre de refuser « Je t’assure tu n’est pas obligé ! Mais merci c’est gentil… » Vous savez que la personne ne ferait certainement pas spontanément ce que vous aimeriez qu’elle fasse, vous lui demandez. Ainsi vous faites faire à autrui quelque chose qu’il n’aurait pas fait spontanément, de lui-même !
« La communication aussi est de la manipulation, il n’y a pas de non-communication (école de Palo-Alto), donc on communique et on manipule en permanence. La bonne nouvelle c’est que toute manipulation n’est pas « perverse » (ou « toxique »). […] Manipuler n’est pas un acte contre nature » Alain Lebay
Quant on y réfléchit bien, il y a plusieurs sortes de manipulation, Alain Lebay nous fait la liste des trois grands types de manipulation :
- Celle que l’on met en œuvre chaque fois que l’on « fait faire quelque chose à quelqu’un » de façon positive et pour son bien (encore que cette notion soit relative, c’est l’auteur des faits qui juge), exemple: « prend ton sirop, mon chéri, il est bon, mmm, il va faire du bien à ta gorge », même si le sirop est une infâme mixture que l’on ne boirait pas soi-même (haaa, l’huile de foie de morue de notre enfance).
- Ensuite, celle que l’on met en œuvre chaque fois que l’on « veut obtenir quelque chose pour soi-même » et que l’on appelle la manipulation de type « égocentrique » (pas non plus un terme péjoratif ou contre nature, il veut juste dire se rapportant à soi), par exemple et pour le fun: « camarade t’as pas cents balles (Coluche) ».
- Et enfin celle que l’on met en œuvre dans l’intention de nuire à celui qui en fait l’objet (c’est cette dernière qui est visée par les termes « perverse » ou « toxique. »
Comme nous sommes des êtres sociaux, nous communiquons, nous utilisons tous les applications de la théorie de l’engagement comportemental, généralement inconsciemment. Les psychologues sociaux essayent de mettre en action ces connaissances, à l’instar des professionnels de la communication, du marketing et du commerce pour ne citer qu’eux. Même si la dose ne fait pas ici le venin c’est ici son utilisation qui fait son risque. Mais ne vous inquiétez pas, nous sommes tous manipulés et nous sommes tous manipulateurs.