La justice organisationnelle se définit globalement par la conception qu’un employé a de la façon dont le traite son entreprise. Basé donc sur la notion de perception, il s’agit d’un phénomène très subjectif.
Théories fondamentales
La théorie de la justice organisationnelle prend racine dans la théorie de l’équité d’Adams (1963, 1965) : la perception d’équité et celle d’iniquité se basent sur la rétribution d’un employé (ce qu’il reçoit de son organisation) et sur sa contribution (ce qu’il apporte à l’organisation), qu’il compare à un point de référence. Ce point de référence peut être un collègue de la même entreprise dont le poste est équivalent au sien, ou dans une autre entreprise, ou encore, son expérience professionnelle passée (Goodman, 1974). Une fois la comparaison faite, deux types de jugement s’appliquent : le sentiment d’être traité avec équité et celui de l’iniquité. On parle de justice distributive.
En 1975, Thibaut et Walker mettent en place la théorie de la justice procédurale, qui va plus loin dans l’explication de la perception de la justice dans le comportement des employés. Pour eux, plusieurs procédures doivent être appliquées afin d’arriver au sentiment d’équité :
- le voice effect : qui consiste en l’intervention dans les prises de décisions ;
- l’application des mêmes procédures pour tous et toujours ;
- l’absence d’influence des intérêts personnels ;
- la précision des informations sur lesquelles sont basées les procédures ;
- la mise en place de procédures de correction.
Enfin, la justice interactionnelle (Bies & Moag, 1986; Tyler, 1989) met en évidence l’importance de la relation entre un décideur et ses subordonnés : le premier doit respect, dignité, explication et honnêteté envers les seconds pour un bon équilibre de la justice organisationnelle.
Ce modèle tridimensionnel de la justice organisationnelle permet d’expliquer son influence sur les comportements organisationnels : alors que les justices distributive et procédurale sont perçus défaillantes chez un employé, s’il considère la justice interactionnelle comme maintenue, celle-ci peut compenser les deux autres. Il y a donc bien une interaction entre chacun des modèles.
Déterminants de la perception de justice organisationnelle
Comparés au nombre de travaux effectués sur la justice organisationnelle, peu d’entre eux se sont concentrés sur les causes de cette la perception de ce phénomène. Selon Beugré (1998), la perception va au-delà de l’attitude des supérieurs hiérarchiques envers leurs subordonnés : il existe des facteurs individuels et organisationnels qui influencent cette perception. Parmi les déterminants individuels, le niveau hiérarchique a par exemple un effet sur la considération de la justice. En effet selon Lansberg (1984), le caractère équitable des rétributions d’un sujet augmente avec son échelon hiérarchique. De même, Dailey et Delaney (1992) ont démontré que plus un sujet sera diplômé, plus il sera exigeant envers l’entreprise. En ce qui concerne les facteurs organisationnels, l’appréciation des compétences est un bon exemple de la justice perçue (Williams et Lévy, 2000) : cette dernière évolue en fonction de la satisfaction qu’un employé a de la façon dont ses compétences sont évaluées par ses managers. De même, il a été prouvé qu’une sanction donnée sans aucune justification augmentera le sentiment d’injustice face à une sanction justifiée par les supérieurs.
Par ailleurs, nous pouvons relever quelques causes à l’origine de la perception d’injustice. Pour commencer, au niveau des recrutements, les discriminations (raciales, sexuelles…) et les jugements “intuitifs” sont souvent perçues comme injustes. De même, les critères de mesure de la performance peuvent être imprécis et trop unanimes (sans prendre en compte des individualités). Le salaire est souvent perçu injuste de par son écart face aux diplômes du salarié : il ne se sent pas considéré à sa juste valeur. Enfin, le leadership de certains supérieurs estimé trop sévère anime ce sentiment d’injustice.
Conséquences organisationnelles de la (l’in)justice
La perception de la justice a de très bonnes conséquences quant aux salariés impliqués : motivation, engagement, satisfaction professionnelle, satisfaction relationnelle, confiance etc… tout est dans la réciprocité.
Lorsqu’il s’agit d’iniquité, le sujet va tenter de soumettre une pression en transformant son comportement vis-à-vis de son entreprise. Cette modification peut être par exemple, une réduction de la quantité ou de la qualité de son travail, ou encore le vol, le but étant de retrouver un équilibre de la situation. Mais cette transformation peut également aller dans l’autre sens : le salarié se considère comme favorisé en comparaison avec ses collègues, ce qui va entraîner chez lui un sentiment de culpabilité. Il va alors faire en sorte d’être à la hauteur des attentes en redoublant d’efforts pour rééquilibrer la situation. L’injustice ressentie, quelle qu’elle soit, pousse les individus à tenir une attitude qu’ils considèrent comme nécessaire au retour de l’équilibre.
Si l’on considère les relations entre niveaux hiérarchiques, celles-ci peuvent être entachées par l’effet dit de cascade : un manager qui ressentira un sentiment d’injustice aura tendance à faire subir cette même injustice à ses subordonnés.
Conséquences individuelles de la (l’in)justice
Au-delà du besoin économique, la sensation de justice amène à la satisfaction relationnelle du fait qu’elle nous permet d’évaluer notre valeur et notre intégration dans un groupe (Tyler, 1989; Cropanzano et al, 2001). Selon Lind et Tyler (1989), la neutralité des procédures et le respect de l’autorité envers ses subordonnés informent ses derniers de leur place dans le groupe, donc par la même occasion, participent à l’estime de soi. Si les procédures deviennent injustes, la dévalorisation des employés est assurée en passant par le sentiment d’exclusion, alors que dans le cas contraire, ils sont dans la coopération (Tyler, 1999).
Au niveau de la santé, le sentiment d’injustice peut avoir des conséquences néfastes pour le sujet. Du point de vue de la santé physique, les maladies cardio-vasculaires ou les traumatismes musculo-squelettiques sont régulièrement résultantes des phénomènes d’injustice. Psychologiquement, ce sont des phénomènes de stress, burn-out ou encore d’agressivité qui sont recensés.
Intégrer la justice organisationnelle
Pour conclure, il est bon de savoir qu’une perte de moyens liée à de l’injustice est fatalement supérieure à un gain de moyen lié à la justice. Alors, employeurs, si vous me lisez, prenez en compte cette dimension de justice organisationnelle et sachez l’intégrer efficacement en améliorant par exemple, les rapports humains : respect, écoute, soutien, participation, explications… tout est bon pour gagner la confiance de ses employés.